Rhétorique politique et réception médiatique

Projet

Les institutions étatiques, mais aussi les partis politiques, ainsi que leurs services de communication, proposent diverses formes de communication à la presse. Ce discours source est donc souvent repris par les médias soit directement soit, indirectement, par le biais d’une agence de presse (ats). Il y a dans cette circulation entre un texte source et une information médiatique des enjeux de recherche aussi cruciaux que peu étudiés, qui touchent des questions d’analyse des discours et de sociologie de la communication.

Prenant appui sur le constat que les relations entre les médias et les sources d’information n’ont pas assez été prises en compte dans une sociologie des médias trop «média-centrique» (Schlesinger, 1992), nous voudrions rendre compte de la relation entre l’agenda politique ou institutionnel et l’agenda médiatique sous l’angle discursif – la plupart des études sociologiques se concentrant sur la question de l’impact ou de l’influence en négligeant la question de la circulation des discours. Une étude récente (Lewis, Williams & Franklin 2008) montre en effet que les journalistes britanniques s’appuient de plus en plus sur les communiqués de professionnels en relations publiques. Ce recours aux sources formatées par des professionnels de la communication est si massif qu’il pose des questions cruciales sur le rôle et l’indépendance des journalistes, soulignant l’actuelle ère du journalisme de communication.

Les travaux dans le domaine de la sociologie des sources médiatiques engrangent d’importantes données quantitatives. Notre projet vise à analyser la circulation des textes de façon plus comparative et qualitative sur le cas suisse romand, qui permet de mettre en évidence des dynamiques spécifiques au système politique propres, mais qui permettent également la généralisation et la comparaison avec d’autres pays. Il vise à rendre compte d’un objet de controverse –une votation fédérale – qui ferait l’objet de différentes communications-source entre le moment où l’objet de votation est connu et celui où le vote est connu et commenté : celles des partis politiques gouvernementaux et celles de la Confédération.

Un premier examen comparatif, fondé sur les outils de l’analyse rhétorique des discours (Herman 2005 et à paraître), servira à examiner les types arguments proposés, leur solidité, le jeu rhétorique à l’appui des arguments (ethos, pathos, figures), la part épidictique (blâme de l’adversaire) et délibérative voire judiciaire, les valeurs mobilisées. Le but est de déterminer la part de ce qu’on appelle la « politique-spectacle » dans ces communications.

Dans un deuxième temps, un corpus des discours seconds (presse écrite : Le Temps, Le Matin, 24 heures, L’Hebdo, Le Nouvelliste / Internet -radio-télévision : tsrinfo.ch , rsr, tsr / agence ats) permettra l’analyse comparative entre ceux-ci et les textes sources, en dégageant, entre autres, deux enjeux principaux. Le premier enjeu est lié à la question de la citation. Il s’agit de voir comment fonctionne le filtre médiatique, ce qui est retenu des communications-sources et ce qui est rejeté. On peut par exemple se demander si c’est l’argumentation des partis ou les formules rhétoriques qui sont retenues. Si une communication est retenue, il s’agit de voir les formes linguistiques du discours représenté et les effets de ces différents choix.  Le deuxième enjeu est lié à la mise en scène médiatique, à travers d’une part l’impact donné aux communications-sources (espace donné, hiérarchie de l’information, texte d’origine complet ou parcellaire etc.), ce qui permettra d’observer le degré de révérence et/ou d’indépendance des journaux par rapport à ses sources, et, d’autre part, le travail de l’adaptation de la cible première (les médias) à la cible seconde (le public).

Dans cette opération, y a-t-il un processus de simplification ou de spectacularisation des informations et, si oui, quels procédés linguistiques sont mobilisés à ces fins ? Quel travail journalistique est opéré sur le discours des sources : gommage des éléments partisans, mise en perspective, amplification?

Combiner l’approche communicationnelle, rhétorique et linguistique des textes sur un corpus délimité  permettrait de cerner au plus près l’activité journalistique sur les sources, mais aussi de rendre compte de l’impact ou non des professionnels de la communication sur le journalisme contemporain.

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